L’obésité favorisée par un interrupteur épigénétique ?

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Rédigé par Hadrien V. et publié le 10 février 2016

La revue Cell a récemment publié une étude prouvant l’existence d’un mécanisme épigénétique ON/OFF qui favoriserait l’obésité. Même si les analyses ont principalement été menées sur le génome de la souris, il existerait des similitudes chez l’homme.

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Une répartition binaire : « soit obèse, soit maigre »

Andrew Pospisilik, spécialiste des troubles métaboliques à l’Institut Max Planck, a observé un curieux phénomène chez la souris. Des groupes ayant le même capital génétique présentaient deux phénotypes distincts : obèse ou maigre. En observant le génome de ces souris, le groupe de chercheurs n’a trouvé qu’une seule des deux copies du gène Trim28 chez toutes les progénitures. La preuve que le mécanisme d’obésité n’est pas génétique, mais épigénétique.

Les mécanismes épigénétiques désignent un ensemble de processus permettant l’expression ou la répression des gènes. Elles permettent à un même génome de s’exprimer différemment selon l’environnement, au sens large du terme (en savoir plus).

Chez l’une des deux souris ascendantes, le gène Trim28 était haplo-insuffisant. Autrement dit, le gène Trim28 ne s’exprimait que de façon partielle. Chez les souris descendantes normales, l’expression du gène Trim28 était suffisante pour maintenir un poids correct (« mode ON »). Chez les souris descendantes obèses, cette transmission génétique menait à une absence d’expression du gène (« mode OFF »).

En observant les mécanismes moléculaires de plus près, les scientifiques ont observé des modifications épigénétiques au sein d’un réseau de gènes liés à Trim28 et soumis à l’empreinte parentale (Nnat, Peg3, Cdkn1c et Plagl1).

Des similitudes aux mutations génétiques

L’intérêt de ces recherches est de trouver la raison pour laquelle cet « interrupteur passe de ON à OFF ». Un phénomène d’autant plus intrigant que les altérations épigénétiques mènent, dans bien d’autres troubles, à des changements physiologiques nuancés. Les modifications binaires sont traditionnellement liées aux variations purement génétiques.

Des spécialistes de l’obésité Allemands ont alors analysé les tissus adipeux d’enfants obèses et maigres, notamment chez des jumeaux – l’un maigre, l’autre obèse. L’expérience a montré des niveaux d’expression du gène TRIM28 et des autres gènes d’emprunte parentale diminués chez les enfants obèses. Un effet épigénétique pourrait alors intervenir chez l’humain dans le processus de l’obésité.

Une aide pour la compréhension de l’obésité

Les recherches ont permis de comprendre qu’un même ADN pouvait favoriser ou non l’obésité. Il s’agit de la première preuve d’un polyphénisme chez l’homme.

Le polyphénisme est la capacité d’une espèce à se présenter sous différentes formes avec un même patrimoine génétique.

Andrew Pospisilik explique d’ailleurs que cette découverte est une preuve de plus pour la théorie de l’évolution : « si un caractère ne convient pas pour des conditions environnementales critiques, le polyphénisme propose un plan B, ce qui pourrait contribuer à la survie de l’espèce ».

Les chercheurs projettent déjà des applications dans le domaine médical. Si ces études se confirment, des thérapies pourraient voir le jour et ouvrir la voie des modulations épigénétiques. Pospisilik songe déjà à inverser de façon permanente ces facteurs d’obésité pour les patients souffrants. Rappelons-le tout de même, la prévention le plus efficace reste un régime alimentaire équilibré.

Hadrien V. Pharmacien

Sources :
K. Dalgaard & al. « Trim28 Haploinsufficiency Triggers Bi-stable Epigenetic Obesity ». Cell. 28/01/16

Déborah Bourc’his. « Epigénétique ». Inserm. 02/2015