Obésité : quel impact sur la gravité de la Covid-19 ?

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Rédigé par Deborah L. et publié le 12 janvier 2021

Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, l’obésité a semblé constituer un facteur de risque potentiel de formes graves de la maladie. Après plusieurs mois de collecte de données sur le sujet, l’impact délétère de l’obésité sur l’évolution de la Covid-19 est désormais reconnu et serait indépendant des pathologies métaboliques associées. D’où la nécessité capitale de sensibiliser les personnes en situation d’obésité à l’importance des gestes barrières et de la vaccination.

L’obésité : un facteur de risque des formes graves de Covid-19

L’obésité est connue pour accroître le risque d’évolution sévère lors d’épisodes viraux, comme celui de la grippe. Dans le cas de l’épidémie virale de SARS-CoV-2, l’obésité a semblé constituer dès le départ un facteur de risque potentiel de formes graves de la maladie. Les scientifiques ont en effet pu observer que l’obésité augmentait le risque de recours à la ventilation mécanique et le risque de décès, en particulier chez les personnes de moins de 50 ans. Mais jusqu’alors, il n’était pas évident de distinguer ce qui était imputable à l’obésité elle-même de ce qui était imputable aux facteurs de risque associés (comme l’hypertension artérielle par exemple).

Plusieurs mois de collecte de données sur le sujet ont ainsi été nécessaires pour confirmer l’impact négatif de l’obésité sur l’évolution de la Covid-19. Et cet impact serait indépendant des pathologies métaboliques associées.

Une étude rétrospective du CHRU de Lille, menée sur 124 patients consécutifs admis en réanimation, a ainsi montré les résultats suivants :

  • Plus de 47 % des sujets infectés entrant en réanimation étaient en situation d’obésité.
  • Les patients présentant une obésité sévère, définie par un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 35 kg/m2 présentaient un risque significativement augmenté d’avoir besoin d’un support respiratoire invasif, indépendamment de l’âge et de l’existence d’une hypertension artérielle ou d’un diabète.

Une autre étude rétrospective menée à l’échelle internationale (à travers 21 centres basés en Europe, aux États-Unis et en Israël) a quant à elle inclut près de 1 500 patients. L’objectif consistait à mieux définir le rôle de l’obésité seule dans le risque de survenue de formes graves de Covid-19. Dans cette étude, 73,2 % des patients étaient des hommes, hospitalisés en soins intensifs/réanimation pendant la première vague pour une pneumonie sévère à SARS-CoV-2, confirmée par un test RT-PCR positif. En moyenne, ils étaient âgés de 64 ans et leur indice de masse corporelle était de 28,1 kg/m2. Les auteurs de cette étude ont observé que 73,9 % des patients enrôlés ont eu besoin d’une ventilation invasive et que le taux de mortalité à 28 jours s’élevait à 36,1 %. Après ajustement sur différents critères (âge, sexe, présence ou non d’un diabète, d’une hypertension artérielle, d’une dyslipidémie et du tabagisme), les scientifiques ont conclu à une relation linéaire entre l’indice de masse corporelle (IMC) et le recours à une ventilation mécanique invasive. L’impact délétère étant plus marqué chez les femmes de moins de 50 ans. En revanche, la relation entre obésité et mortalité à 28 jours n’a pas été linéaire et s’est révélée significative uniquement chez les malades dont l’IMC était supérieur ou égal à 40 kg/m2. L’obésité morbide semble donc constituer un facteur de risque de décès à 28 jours.

Une dernière étude publiée dans la revue Circulation s’est finalement intéressée à une autre population de patients que ceux admis en soins intensifs. Il s’agissait cette fois-ci de patients hospitalisés pour Covid-19 et inclus dans un registre de l’Association américaine de cardiologie. L’analyse des données collectées a mis en évidence une sur-représentation des sujets obèses dans cette cohorte de plus de 7 000 patients, particulièrement chez les moins de 50 ans. Il en ressort les résultats suivants :

  • L’obésité de classe I à III (IMC de 30 à 34,9 kg/m2, IMC de 35 à 39,9 kg/m2 et IMC supérieur ou égal à 40 kg/m2) est associée à un risque accru de décès intra-hospitalier et de recours à une ventilation mécanique.
  • L’obésité de classe III est associée à une augmentation de 26 % du risque de décès.
  • L’obésité sévère n’est associée à une augmentation du risque de décès intra-hospitalier que chez les moins de 50 ans.
  • Les sujets obèses sont également exposés à un risque accru d’événements thrombo-emboliques veineux et de dialyse.

Impact obésité Covid-19 : Des hypothèses multiples

Dans ce contexte, la communauté scientifique n’a pour l’heure pas encore bien éclairci les mécanismes impliqués dans ce risque accru d’évolution défavorable chez les sujets obèses.  Certains avancent l’hypothèse d’une surexpression de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2) dans le tissu adipeux. D’autres penchent pour l’effet de facteurs mécaniques (capacités fonctionnelles et compliance respiratoires amoindries).

À savoir ! L’enzyme ACE2 est utilisée par le virus SARS-CoV-2 pour pénétrer dans les cellules de l’organisme et les infecter.

D’autres scientifiques, à l’origine d’une analyse de près de 75 études, soutiennent quant à eux l’idée d’un déséquilibre immunitaire en cas d’obésité. Un excès de cellules anti-inflammatoires impacterait ainsi sur la réponse immunitaire en cas de Covid-19. Cette analyse publiée l’été dernier avait mis en évidence un sur-risque d’hospitalisation (+ 113 %), d’admission en réanimation (+ 74 %) et de décès (+ 48 %) en cas d’obésité.

Que l’origine de cette physiopathologie soit enzymatique, mécanique ou immunitaire, le monde scientifique s’accorde sur la nécessité capitale de sensibiliser les personnes en situation d’obésité à l’importance des gestes barrières et de la vaccination.

Prévention et vaccination : deux nécessités capitales en cas d’obésité

Les personnes souffrant d’obésité devront donc veiller à appliquer scrupuleusement les gestes barrières et autres mesures de prévention surtout si leur entourage comporte un cas suspect ou avéré. Elles sont invitées à contacter leur médecin traitant en cas de signes et font partie des populations prioritaires pour accéder aux tests virologiques de diagnostic en cas de suspicion de Covid-19.

Il est également primordial que ces personnes veillent au maintien de leur suivi médical dans le cadre de la prise en charge de leur obésité. La plus grande vigilance est requise, notamment pour les personnes opérées. Le Ministère de la santé rappelle à ce titre que « les téléconsultations et le télésuivi assurés par des médecins, infirmiers, et sages-femmes consultables à distance sont pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie ».

À savoir ! Le ministère des Solidarités et de la Santé a insisté, dès le mois de septembre dernier, sur l’importance des gestes barrières en cas d’obésité et a appelé à renforcer la feuille de route obésité par une série de mesures adaptées.

La Haute Autorité de Santé (HAS) vient d’ailleurs de lister l’obésité (IMC > 30 kg/m2) comme comorbidité à risque avéré d’hospitalisations ou de décès. De plus, elle a affiné ses recommandations sur la priorisation des populations à vacciner contre la Covid-19.

Reste à savoir quelle sera l’efficacité de la vaccination chez les personnes obèses. Un  article de la revue Nature suggère qu’elle pourrait être moindre dans cette population. Et vu la part importante de personnes souffrant d’obésité au sein des populations de certains pays occidentaux, des scientifiques proposent d’en avoir le cœur net en évaluant de façon plus spécifique les vaccins et les schémas de vaccination dans les sous-groupes de patients obèses.

Déborah L., Docteur en Pharmacie

Sources
– L’obésité, un facteur de risque indépendant de formes graves et de décès dus au SARS-CoV-2. vidal.fr. Consulté le 11 janvier 2021.
– Obésité et Covid-19. Ministère des solidarités et de la santé. Consulté le le 11 janvier 2021.