Obésité : le rôle majeur de la flore intestinale prouvé une fois de plus

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Rédigé par Julie P. et publié le 27 février 2018

Dans le cadre de l’étude internationale Monica coordonnée par l’Organisation Mondiale de la Santé, trois centres Français ont estimé la prévalence du syndrome métabolique en France. Bilan ? 22,5% des hommes et 18,5% des femmes sont touchés. Comment le microbiote intestinal, des milliards de microorganismes logés dans notre intestin et notre estomac, influence notre risque de développer un syndrome métabolique incluant obésité et résistance à l’insuline ? En étudiant des souris normales ou modifiées génétiquement, les chercheurs du centre Johns Hopkins ont répondu, en partie, à cette question. Décryptage de cette étude prometteuse pour prévenir l’obésité.

microbiote syndrome métabolique

L’influence du récepteur intestinal TLR4 dans le syndrome métabolique

Pour mener à terme cette étude montrant que le microbiote intestinal (pas moins de deux kilos de microorganismes !), joue un rôle important dans le développement de l’obésité et de la résistance à l’insuline chez les mammifères, les chercheurs supervisés par le chirurgien David Hackam, co-directeur du centre pédiatrique Johns Hopkins de Baltimore, se sont intéressés particulièrement à un récepteur situé sur les cellules immunitaires humaines. Ce dernier, nommé TLR-4 (Toll-Like Receptor 4), est une protéine qui reçoit des signaux chimiques de la part des bactéries et qui est suspecté d’être responsable, en partie, du développement du syndrome métabolique.

À savoir ! Le syndrome métabolique, ou syndrome X, est un ensemble de signes physiologiques et biochimiques favorisant l’apparition de diabète de type 2, de maladies cardiaques et d’Accident Vasculaire Cérébral. Selon la FID (Fédération Internationale du Diabète), une personne est atteinte du syndrome métabolique lorsqu’elle présente une obésité abdominale (= un tour de taille supérieur à 94 cm chez les hommes et 80 chez les femmes) et au moins deux des facteurs suivants : un taux élevé de triglycérides, un faible taux de cholestérol HDL, une hypertension artérielle et/ou un taux élevé de glycémie veineuse.

À savoir ! Le récepteur TLR4 est un récepteur de l’immunité innée. Sous l’action d’une molécule véhiculant un « signal de danger » (polluants, pression mécanique, molécules sécrétées par des cellules endommagées ou cancéreuses) ou « un signal pathogénique » (molécules virales bactériennes ou fongiques), les récepteurs de l’immunité innée s’activent et déclenchent une cascade de réactions cellulaires (voie de l’immunité innée) aboutissant à la sécrétion de médiateurs de l’inflammation. Le récepteur TLR4 est retrouvée sur un type de globule blanc (leucocyte) et il est spécialisé dans la reconnaissance des membranes externes des bactéries Gram négatives comme les salmonelles ou les E.coli.

Dans quelles mesures les récepteurs TLR4 peuvent être responsables du syndrome métabolique ?

Pour répondre à cette question, les chercheurs ont nourri, avec une alimentation riche en gras, deux groupes de souris : l’un possédant des récepteurs TLR4 (groupe témoin) et l’autre, modifié génétiquement pour être dépourvu de ces TLR4 au niveau de ses globules blancs intestinaux.

Quelles sont les observations ?

Après 21 semaines, et une diète composée à 60% de calories issues de graisses, les souris dépourvues de TLR4 intestinaux affichaient une série de symptômes typiques du syndrome métabolique.

Comparativement aux souris normales, elles ont affiché un gain de poids significatif, une augmentation de la masse grasse corporelle et hépatique et une résistance à l’insuline.

Pour confirmer ce rôle de l’expression TLR4 dans l’épithélium intestinal, les chercheurs ont comparé trois groupes de souris transgéniques dont :

  • 1er groupe : sans TLR4 au niveau de l’intestin
  • 2ème groupe : avec TLR4 seulement au niveau de l’intestin
  • 3ème groupe : dépourvu totalement de TLR4 dans tout l’organisme

Après les avoir nourries avec une alimentation standard (22% de calories apportées par les graisses), les chercheurs ont remarqué que seules les souris dépourvues de TLR4 intestinaux ont accumulé davantage de gras au niveau de l’abdomen.

Interactions des récepteurs TLR4 avec la flore bactérienne

Pour aller plus loin, les chercheurs ont administré des antibiotiques à large spectre à des souris normales et à des souris privées de récepteurs TLR4 intestinaux. Résultats après 24 semaines et un régime alimentaire standard ? Les antibiotiques réduit la charge bactérienne dans l’intestin et ont permis de prévenir la survenue des symptômes du syndrome métabolique chez les souris sans TLR4.

Enfin, l’équipe a analysé et séquencé génétiquement l’ensemble des bactéries présentes dans les selles de souris déficientes en TLR4 intestinaux.

Ils ont pu observer que la composition bactérienne (genre et quantité) présente dans ces selles étaient différente de celle observé chez les souris normales. De plus, ces bactéries exprimaient des gènes qui les rendaient moins aptes à consommer des nutriments. Cette observation explique ainsi que l’organisme hôte (la souris, ici) peut alors absorber une plus grande quantité de nutriments et devenir ainsi plus facilement obèse.

« Avec ces nouvelles connaissances, nous pouvons chercher des moyens de contrôler les bactéries responsables du syndrome métabolique ou des gènes connexes et, espérons-le, prévenir l’obésité chez les enfants et les adultes » conclut David Hackam dans le communiqué de presse de l’université John Hopkins.

Julie P., Journaliste scientifique

– Mouse study adds to evidence linking gut bacteria and obesity. Science Daily. Consulté le 22 février 2018.
– Intestinal epithelial Toll-like receptor 4 prevents metabolic syndrome by regulating interactions between microbes and intestinal epithelial cells in mice. Mucosal Immunology. P Lu et al.
– Zoom sur le syndrome métabolique. Fédération Française de Cardiologie. Consulté le 22 février 2018.