Des antibiotiques pour traiter les troubles dépressifs des patients obèses ?!

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Rédigé par Estelle B. et publié le 13 juillet 2018

L’obésité et la dépression sont deux pathologies qui peuvent être intimement liées, l’une pouvant entraîner l’autre et inversement. Mais comment prendre en charge les troubles anxieux et dépressifs des patients obèses ? Une récente étude suggère l’utilisation possible d’une classe de médicaments inattendue dans cette indication : les antibiotiques !

microbiote intestinal antibiotiques

Obésité et troubles anxio-dépressifs

Certaines affections métaboliques, comme le diabète de type 2 et l’obésité sont associées avec une augmentation du risque d’anxiété, de dépression et d’altération des performances cognitives. Les chercheurs s’interrogent depuis plusieurs années sur le dénominateur commun à l’ensemble de ces pathologies. Récemment, certains ont pointé du doigt le microbiote intestinal (également appelé la flore intestinale).

Pour mieux comprendre le rôle du microbiote intestinal dans le lien entre les fonctions cérébrales et l’obésité, des chercheurs de l’Université de Harvard ont étudié l’effet d’antibiotiques sur des souris obèses. Les résultats de leurs travaux viennent d’être publiés dans la revue scientifique Molecular Psychiatry.

Le rôle majeur du microbiote intestinal

Dans une première phase de l’étude, chez des souris mâles ayant une alimentation riche en graisses et traités par un antibiotique (vancomycine ou métronidazole, la prise des médicaments antibiotiques permettait d’inverser les conséquences métaboliques de l’obésité, c’est-à-dire l’apport calorique, la prise de poids corporel et la valeur de la glycémie.

Dans un second temps, les chercheurs ont pu reproduire l’effet bénéfique obtenu par les antibiotiques grâce à une transplantation fécale de microbiote. Ainsi, l’amélioration des paramètres métaboliques chez des souris obèses est possible, soit par l’administration d’antibiotiques, soit par la flore intestinale de souris n’ayant jamais reçu d’antibiotiques.

Par ailleurs, les souris obèses présentent des comportements reflétant un état anxieux ou dépressif. En cherchant à mettre en évidence l’implication du microbiote dans ces comportements, les auteurs de l’étude ont observé que les antibiotiques réduisaient les comportements anxio-dépressifs chez les souris rendues obèses par leur alimentation. Cet effet résultait d’une modification du microbiote intestinal, ce qui a été confirmé par des expériences de transplantation fécale.

Des antibiotiques contre les troubles anxio-dépressifs !

Des études scientifiques antérieures ont mis en évidence qu’une alimentation riche en graisses était capable d’induire une résistance à l’insuline, à la fois au niveau systémique et cérébral. Dans cette étude, les chercheurs ont montré que l’administration d’antibiotiques chez des souris ayant une alimentation riche en graisses améliorait la résistance cérébrale à l’insuline et l’état inflammatoire. A nouveau, des expériences de transplantation fécale ont mis en évidence l’implication du microbiote intestinal, qui serait capable de moduler le niveau d’inflammation dans des régions cérébrales impliquées dans le contrôle de l’humeur et des comportements.

Plus précisément, le microbiote intestinal ou les antibiotiques agissent sur certains métabolites cérébraux (comme le tryptophane, précurseur de la sérotonine, ou les BDNF connus pour être associés à la dépression) et certains neurotransmetteurs (comme le GABA).

L’ensemble des résultats de cette étude montrent qu’une alimentation riche en graisses entraîne chez la souris en seulement quelques semaines des modifications du microbiote intestinal, capables d’influencer les paramètres métaboliques et les troubles anxio-dépressifs. Un traitement de deux semaines par des antibiotiques permet de revenir à la situation initiale et ainsi de contrer les effets de l’obésité. Des études complémentaires sont désormais nécessaires pour vérifier si ces résultats sont transposables à l’Homme.

Ces résultats apportent dans tous les cas un nouvel éclairage sur les liens étroits entre l’obésité et les troubles dépressifs, une nouvelle preuve du rôle capital du microbiote, ainsi qu’une nouvelle piste thérapeutique inattendue à explorer, les antibiotiques.

Estelle B. / Docteur en Pharmacie

– Gut microbiota modulate neurobehavior through changes in brain insulin sensitivity and metabolism. Soto, M. and al. 2018. Mol. Psychiatry. doi: 10.1038/s41380-018-0086-5.